dimanche 14 mars 2010

Hé la France ! ton économie fout le camp !

Le baron Justus von Liebig, l’inventeur de l’extrait de viande du même nom, définissait vers les années 1850 l’importante loi sur le minimum, qui sous sa forme générale de loi du maillon le plus faible, dispose que le résultat d’une chaine de processus est limité par le chainon le moins performant, et que c’est sur lui qu’il faut agir pour dépasser la limite.


Appliquée par Liebig dans l’alimentation minérale des plantes, cette loi fut illustrée dans tous les cours et manuels de fertilisation par le fameux baquet de bois dont les douelles représentaient les trois éléments minéraux azote, acide phosphorique, potasse, et divers oligo-éléments.Les douelles étant de hauteur différente, on voit que le contenu du baquet –la production- fuit par la plus courte, et qu’il est inutile d’augmenter les autres au risque de gaspillage de moyens et, on ajouterait aujourd’hui, d’atteinte à l’environnement.
Si l’on imagine un baquet de l’économie française dont les douelles seraient constituées par les diverses composantes de l’économie, au constate bien vite que les douelles des composantes de bases son très courtes et que l’économie française « fout le camp » par la douelle de l’agriculture notamment.



















Si l’on affine un peu la construction des douelles on peut imaginer que les deux dimensions ont leur importance।La longueur définit l’importance donnée à la composante dans l’ensemble de l’économie c’est le niveau de production des secteurs primaire secondaire et tertiaireLa largeur définit la structure de la composante telle que le niveau d’investissement du secteur, la part de population active concernée ou les lois et règles de son fonctionnement।On comprend que l’on peut agir à court terme sur la longueur mais que la correction d’éléments structurels est plus longue de même que les effets de cette correction.Il est enfin évident que des douelles larges définissent un volume d’activité important ce qui relativise les fuites lorsqu’un élément tend à devenir plus court que les autres. Cette représentation de l’économie a l’avantage de faire ressortir la différence entre l’économie réelle et l’économie virtuelle. Le niveau du baquet représente l’économie dont la mesure se fait par la monnaie que crée l’activité des composantes du baquet. L’économie virtuelle absolue est celle où les activités, essentiellement de services ne portent que sur la création monétaire par la seule monnaie, elle concerne peu d’acteurs : des faussaires, elle est très peu règlementée mais les volumes d’activité sont énormes la douelle correspondante est donc très étroite et très longue. Elle entraine des fuites importantes par les douelles de l’économie réelle qui auraient du rester essentielles, qui sont devenues très courtes, entrainant des fuites devenues catastrophiques. Le phénomène a été caché tant que l’importance structurelle de l’économie réelle est restée suffisante, mais la disparition des acteurs (exode rural) ou le changement des règles de fonctionnement devenues européennes puis mondiales, imprécises, que personne ne respecte, et difficiles à faire appliquer ; ont conduit à un baquet de l’économie pratiquement vide malgré l’apparence de forte activité donnée par le monde de la fausse monnaie. L’économie virtuelle relative correspond à la partie des activités humaines créatrices de monnaie qui ne représente pas une priorité face aux besoins élémentaires de production qui eux ne sont pas satisfaits. Il y a en effet une hiérarchie à respecter dans l’utilité de nos actes économiques qui voudrait que nous satisfaisions en priorité et dans l’ordre nos besoins : de nourriture, de logement, de santé et d’éducation il s’agit de l’indispensable auquel vient s’ajouter l’utile voire le superflus.La loi de Liebig fixe bien que si l’indispensable n’est pas satisfait il est vain de développer l’utile et le superflus qui représentent bien dans ce cas une économie virtuelle relative. La crise économique récente a conduit les responsables politiques français entre autres à rechercher une solution en stimulant la production automobile au motif qu’elle emploie plus de 10 % de la population active, et que cette stimulation est de nature à faire redémarrer la consommation. Or une économie ne peut consommer que si elle produit, et si elle produit en priorité l’indispensable. C’est donc le secteur agricole qu’il eut fallu stimuler dans la mesure où les automobiles ne sont pas comestibles à ce jour. Il ne peut rien sortir de sérieux d’une telle mesure et la seule solution raisonnable eût été d’agir sur le maillon le plus faible le secteur primaire qui malgré son importance primordiale qui devrait en faire le principal secteur de l’économie, n’emploie que quelques 6% de la population active.Ce problème a bien été pris à sa juste mesure par l’économie chinoise, de gré ou de force, puisque le chômage entrainé par la crise provoque un retour massif à la campagne ce qui n’est d’ailleurs pas du goût de tous, mais risque de contribuer au développement des productions agricoles dont la libre circulation dans notre monde économique de courants d’air finira de tuer notre propre agriculture. On pourra objecter à ce bien improbable retour à la terre pourtant indispensable, que la production agricole n’a pas besoin de main d’œuvre importante puisqu’il suffit d’automatiser l’agriculture par des investissements lourds financés par des actionnaires qui en retireront de gros bénéfices financiers, on retombe dans l’économie virtuelle de création monétaire par l’argent.Il est amusant de constater à ce sujet que Justus von Liebig est considéré comme le fondateur de l’agriculture industrielle, basée sur la chimie, agriculture industrielle qui constitue le maillon faible, le facteur limitant de notre système économique. Il y a dans ce débat sans fin qui conditionne pourtant notre développement économique, si tant est que nous ayons besoin d’un développement autre que celui permettant des satisfaire les besoins d’une population en croissance, trois raisons qui font que notre agriculture n’a pas la première place qu’elle devrait avoir. - La loi de l’offre et de la demande et en particulier l’inélasticité de la demande alimentaire, font que les prix agricoles contrairement aux prix industriels ou des services ne sont pas fixés en fonction des couts de production, mais en fonction de la demande.Le blé est payé aux producteurs au cours mondial – qui au passage donne lieu à des spéculations relevant de l’économie virtuelle absolue-, peu importe ce que lui a couté la production, libre à lui de ne pas produire si le prix ne lui convient pas, avec le risque toutefois de ne s’en apercevoir qu’après coup ! Le pain est payé au boulanger à son prix de revient plus marge bénéficiaire. Un sérieux recul par rapport à la période de l’échange blé/pain - il y a à peine 60 ans !- où on en était à la source de la création monétaire, le boulanger échangeant son travail de façonnage contre du blé. - Une mauvaise répartition du travail. Le principe de base de la création monétaire : « Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front » implique que produire soit non seulement un devoir mais également un droit qui doit s’exercer dans l’économie réelle. La dictature du prix imposé fait pourtant que l’entrepreneur individuel en agriculture bénéficie de moins en moins de ce droit confisqué par une agriculture du capital dite industrielle qui, d’une part transfère les actifs de l’économie réelle de base vers l’économie virtuelle de l’inutile et du superflu, et recherche d’autre part des marges de plus en plus grandes pour la rémunération de ses actionnaires en délocalisant ses approvisionnements au risque de faire disparaître le secteur primaire national. - La mise en place de la politique agricole commune au sein de l’Union Européenne a marqué avec notamment le sinistre Sicco MANSHOLT, nouvel Attila, le début de la décadence de notre agriculture par l’alignement sur le plus faible auquel nous avons du nous soumettre.La mondialisation instantanée qui voudrait que les mêmes conditions commerciales fussent appliquées à toutes les productions agricoles quel que soit le niveau de développement du pays qui les produit, ne peut que conduire à la disparition pure et simple de notre secteur primaire comme cela s’est produit au Royaume Uni, avec les conséquences dramatiques que l’on connaît dans ce pays où l’économie ne repose plus que sur le secteur des services.Les productions à faible coût soit de pays émergents, soit de pays a agriculture très industrialisée faisant travailler l’argent plus que la main d’œuvre, conduit la distribution alimentaire française à s’approvisionner sur ces marchés à bas coûts, au détriment certes de la qualité, mais ce qui conduit le consommateur - l’offre de consommation des produits inutiles et superflus de l’économie virtuelle étant de plus en plus importante- a dépenser de moins en moins dans l’alimentation, peu importe sa qualité- pour réserver le plus de ressource possible à la consommation de l’inutile.Ce phénomène a été accentué, moins chez nous certes qu’aux Etats-Unis, par la flambée de l’immobilier, encore l’économie virtuelle, ce qui conduit à une véritable misère dorée, ces nouveaux affamés consacrant toutes leurs ressources au remboursement de crédits immobiliers et pour ce qui reste à l’achat de gadgets de l’économie virtuelle. La mondialisation instantanée conduit par ailleurs à mettre toutes les économies dans le même baquet quel que soit le développement culturel des pays concernés.Le drame des pays où sévit la famine, l’Afrique notamment, tient à ce que la douelle agricole est la même que chez nous, alors que ces pays qui sortent à peine de l’économie de cueillette devraient dans les premières phases de leur développement ne chercher qu’à atteindre le niveau d’autosuffisance alimentaire, ceci au travers d’une agriculture vivrière et non industrielle comme l’a toujours préconisé la banque Mondiale dans son concept criminel d’ajustement structurel. On pourrait penser que la solution à la crise consiste tout simplement à réajuster les douelles du baquet et à en supprimer les inutiles. Or il s’agit d’un véritable problème de civilisation. Omnivores par nature nous avions une culture rurale par nécessité, c’est cette culture qui a conduit à la civilisation paysanne en voie de disparition ;« Je pense que la civilisation paysanne est une civilisation perdue. On ne réanime pas, on ne reconstruit pas une civilisation perdue, on en réinvente une autre » déclarait Bertrand HERVIEU (1).
« Yah ça m’a mordu, Back to the trees ! », retour aux arbres ! rugit oncle Vania notre lointain ancêtre face à l’apport trop brutal du feu qu’Édouard était allé chercher bien loin(2).
Soyons prudents, la nostalgie qui veut souvent que l’on ne retienne que le meilleur du passé et que l’on recommence perpétuellement l’Histoire risque de nous renvoyer dans les arbres. Il faudra pourtant bien retenir quelques recettes de ce passé pour définir un « baquet de la béatitude » dans lequel l’Homme centre du monde pourrait s’épanouir et rester maitre de la taille des douelles, notamment celle de l’économie qui ne serait plus le contenu du baquet, mais un des éléments de son contenant, tant il st vrai que l’économie n’est pas un but mais un outil au service de l’homme et de son épanouissement।

(1)Sécrétaire Général du Centre International de Hautes Etudes Agronomiques Méditerranéennes (CIHEAM)(2)Roy LEWIS « Pourquoi j’ai mangé mon père »

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