Jean-Pierre CANOT BERGERAC le 3 juin 2014
Lettre
ouverte à :
Monsieur le
Président de la
République
Palais de l'Elysée
55, rue du faubourg Saint-Honoré
75008 Paris.
Palais de l'Elysée
55, rue du faubourg Saint-Honoré
75008 Paris.
Monsieur le
Président,
« Labourage et pâturage sont les deux mamelles dont la France est
alimentée, les vraies mines et trésors du Pérou »
Maximilien de Béthune Duc de Sully,
ministre des finance et ami d’Henri IV, avait parfaitement compris que
l’agriculture est le principal facteur limitant du développement économique, et
qu’il est vain et inutile de développer les autres secteurs, surtout dans
l’inutile et le superflu, si l’agriculture n’atteint pas un niveau suffisant.
Réformes structurelles, déjà !
Voies de communication, abolition de péages, liberté du commerce des grains,
protection des forêts, facilitation d’acquisition de biens communs
impossibilité de saisir bétail et outils de travail etc.
Il va enfin pousser les paysans à
produire plus que nécessaire afin de vendre à d’autres pays.
Et
notre bon Roi Henri d’accompagner cette politique par son célèbre :
« Si Dieu me donne encore de la vie
je ferai qu’il n’y aura point de laboureur en mon Royaume qui n’ait moyen
d’avoir une poule dans son pot. ».
C’est bien l’Homme qui est au cœur
du problème, le secteur primaire devant se développer à partir et autour de lui
dans un contexte exclusif d’agriculture familiale.
« Nous,
les Ministres de l'Agriculture ou du Développement Rural et l'Organisation des
Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture réunis à Paris le 25 février
2014, au Salon International de l'Agriculture, nous confirmons notre volonté de
participer pleinement à l'année internationale de l'agriculture familiale,
proclamée par l’Assemblée générale des Nations Unies ».
Et notre Ministre de l’agriculture de rappeler à cette
occasion : « L’agriculture
familiale nourrit 70 % de la population mondiale ».
Nombre de nos concitoyens ont ces jours-ci trouvé un
peu dommage que dans le contexte de crise économique grave que nous vivons,
vous donniez l’impression d’être, plus qu’à l’agriculture, attaché à l’inutile
ou au superflu quant aux composantes de notre économie. C’est donc
Clairefontaine pour le football, et sombre lumière pour l’art très abstrait,
qui ont eu vos faveurs, dans un moment grave où les Français auraient aimé que
vous vous préoccupassiez plus des éléments concrets de notre économie que de
futilités, qui ont certes leur importance mais dont il est indécent de
considérer qu’elles sont, au travers de leur prise en compte dans le PIB, un
élément de la croissance économique.
C’est à l’occasion de votre déplacement dans
l’outre-noir et le clair-obscur de Pierre Soulages, que votre conseiller en
agriculture, qui cherchait sans doute là bas à vous éclairer sur de graves
problèmes agricoles, a été placé en
garde à vue par des agriculteurs mécontents, à juste titre, de celle, la garde
à vue, infligée à des agriculteurs au bord du désespoir et dont l’unique façon
d’être entendus est le recours à la violence.
Si l’agriculture sous le bon roi Henri avait un
caractère familial symbolisé par une poule dans chaque pot, nous en sommes
arrivés en cette année internationale de l’agriculture familiale à mettre mille
vaches, non pas sur un plateau, mais dans une même étable, ce qui provoque la
juste colère des agriculteurs, les vrais, mais ne parait pas plus vous affecter
que Monsieur le Ministre de l’agriculture ou le Gouvernement.
Les encouragements sournois, que l’on observe de plus
en plus, de l’agriculture industrielle, et la protection de celle-ci contre les
actes d’agriculteurs désespérés, laissent à penser lorsqu’on prétend participer
pleinement à l’année de l’agriculture familiale, que l’on prend les gens pour
des demeurés et, ce qui est plus grave, que la notion de famille doit être
remise en cause sans discussion possible, ce qui est d’ailleurs fait par la
sinistre pitrerie de la réforme du mariage et par les mascarades qui
l’accompagnent.
Une ferme de mille vaches à Abbeville, un aéroport
international qui, à Notre Dame des
Landes, sacrifie des dizaines d’exploitations familiales et détruit le bocage,
symbole d’une agriculture familiale raisonnée, voilà bien deux preuves entre
autres de cette volonté farouche de détruire cette culture rurale qui permit si
longtemps d’assurer notre richesse de base.
Protégeons nos valeurs ! clamez vous
régulièrement, ces valeurs ne sont hélas plus à vos yeux celles millénaires sur
lesquelles repose la famille, mais celles de l’argent et du grand capital qui
persiste à produire de l’argent avec l’argent.
La France première puissance agricole européenne souffre
cruellement, et aura du mal à surmonter la crise du fait que le secteur
primaire, élément essentiel de l’économie, disparaît progressivement depuis la
fin des années 60 où le sinistre Sico Mansholt, nouveau fléau de Dieu,
proposait une politique agricole démentielle. Les agriculteurs français ne
représentent plus que six pour cent de la population active.
C’est précisément
ce caractère familial qui fit la force de notre agriculture au travers de son
organisation selon le modèle coopératif et mutualiste, le vrai et non celui
dégradé que nous connaissons désormais.
Il était essentiel
ce caractère familial pour le respect d’un des principes de base de la
coopération agricole, celui de proximité. La construction des tours de Babel
économiques de l’Union Européenne et de la mondialisation ont bien mis à mal ce
principe avec les conséquences dramatiques que nous vivons. Ce n’est d’ailleurs
pas la réforme territoriale qui va arranger les choses, alors que disparait
toute notion de taille humaine dans le regroupement des structures
administratives
Permettez-moi de
parler finance, puisqu’il faut désormais tout y ramener. La France disposait
depuis la fin du XIXème siècle d’un merveilleux outil coopératif et mutualiste
de financement de son agriculture, il n’en
reste strictement rien !
« Le Crédit Agricole sera agricole comme le
Crédit Lyonnais est Lyonnais ! » prédisait Jean-Marie Dauzier dans les
années soixante-dix, non seulement c’est fait, mais on entend désormais assurer
le financement des plus pauvres, en particulier des agriculteurs non
industriels, au moyen de la micro finance ou de l’inénarrable
crowdfunding : financement par la populace, les deux constituant les
toutes premières étapes d’un modèle déjà connu à Babylone et que nous sommes
désormais incapables de dépasser.
Le problème est
que dans le secteur agricole, les banques jouent de moins en moins leur rôle de
financiers de l’économie, mais constituent un secteur économique à part entière
où il faut faire de l’argent avec l’argent.
C’est dans cette
activité, qui relèverait à la limite du délit d’émission de fausse monnaie,
qu’une grande banque française est condamnée à une amende de l’ordre de dix milliards de dollars, pas loin
du gain estimé sur dix ans de la réforme territoriale.
Imaginez un instant Monsieur le Président que dans le
cadre de l’année internationale de l’agriculture familiale on ait pu disposer
en France d’une telle somme pour former et installer dix mille jeunes
agriculteurs, qui serviraient de modèle pour poursuivre. Cela aurait
représenté, ce qui n’est pas rien, un million de dollars pour chacun, et vous
eussiez pu dire : « J’ai fait qu’il n’y ait point de laboureur en la République qui n’ait
moyen avec sa famille, même décomposée, d’avoir une poule dans son pot. ».
Je vous prie d’agréer, Monsieur le
Président l’expression du plus profond respect dû à votre haute fonction.